Au cours de cette thèse, nous avons réalisé une étude non-linéarisée de la dynamique des électrons de valence d'agrégats métalliques, en particulier d'agrégats de sodium. Le but était initialement d'étudier des régimes inaccessibles aux théories linéarisées de type RPA, tels que ceux créés par des impulsions laser femtoseconde intenses ou par le passage d'un ion multichargé à proximité de l'agrégat.
Une fois la modélisation des systèmes choisie, deux programmes ont été mis au points, avec des ingrédients empruntés à des codes similaires de physique nucléaire, ou à des codes de physique des agrégats moins généraux. L'un de ces programmes est restreint à la symétrie axiale, l'autre est sans aucune restriction, et ils résolvent directement en temps sur un intervalle suffisamment grand les équations de la fonctionnelle de la densité dépendant du temps dans l'approximation adiabatique. Ces programmes ont permis de démontrer que, pour les agrégats métalliques, la résonance collective de type plasmon était très harmonique et persistait dans les régimes de haute énergie d'excitation.
Les effets de la structure de l'agrégat avaient d'abord été pris en compte de façon moyenne par un << jellium >> diffus, mais une structure ionique explicite a ensuite été incorporée dans le modèle, les ions interagissant avec les électrons de valence par des pseudopotentiels locaux pour le sodium, puis non-locaux pour d'autres types d'atomes. Les outils de simulation ont été développés pour pouvoir traiter des perturbations quelconques ; a fortiori, ils peuvent traiter le cas de petites perturbations. Dans ce cas, ils se sont avérés au moins aussi rapides et précis que leurs homologues linéarisés dans le cas où aucune symétrie n'est prise en compte. Moyennant un bon choix de pseudopotentiels, nous avons pu obtenir des spectres très proches de spectres de photoabsorption mesurés expérimentalement, même pour des agrégats fortement déformés et avec un nombre quelconque (non-magique) d'électrons, tel que Na.
Ces programmes ont servi en outre à calculer la réponse électronique d'agrégats de sodium déposés sur une surface de NaCl, dans le but de pouvoir distinguer par cette réponse différents isomères possibles. Enfin, puisque la résolution des équations a pu se faire sur des temps très longs grâce d'une part à la stabilité des méthodes numériques mises en uvre, d'autre part à l'emploi de calculateurs parallèles qui ont fourni la puissance nécessaire, la dynamique électronique a pu être couplée à la dynamique ionique sous-jacente, dans le cadre d'un mouvement classique pour ces ions, mais au-delà de l'approximation de Born-Oppenheimer, les électrons n'étant en aucune façon dans un état fondamental au cours du calcul. Il a été alors possible de simuler la fission d'un gros agrégat de sodium excité par une impulsion laser femtoseconde intense.
Les perspectives les plus immédiates de ce travail sont d'abord d'étudier plus en détail ces phénomènes de dynamique ionique non-adiabatique, en mettant en évidence des situations qui sont incontestablement non traitables par l'approximation de Born-Oppenheimer, et en tout cas en effectuant des calculs plus systématiques.
Du point de vue théorique, on pourrait sans doute obtenir des résultats plus précis (et peut être avec des effets non-linéaires plus marqués) en employant des fonctionnelles de la densité non-locales en espace ou en temps, avec par exemple des corrections d'auto-interaction (SIC) ou des effets de mémoire (TDKLI). Il serait en tout cas intéressant de trouver des systèmes où ces raffinements induiraient des différences notables dans les résultats : les agrégats d'aluminium peut-être. Ce dernier métal est en tout cas loin de répondre à la définition d'un métal simple.
Une autre perspective intéressante serait d'étudier le couplage de la dynamique des électrons de valence de l'agrégat à une éventuelle excitation des électrons de cur. Ce point peut être particulièrement crucial lors de l'étude par nos méthodes de la génération d'harmoniques par phénomènes non-linéaires. Les agrégats d'argent nécessitent en tout cas [68] un tel couplage, qui n'est sans doute pas aussi crucial dans les agrégats de sodium, où l'écart des niveaux externes et internes est plus important.
Ainsi, les gains prévisibles à court terme en puissance de calcul ne devraient sans doute pas servir à étudier par notre méthode TDLDA non linéarisée des agrégats de métaux simples de taille plus grande que ceux que nous avons pu aborder, car des méthodes semi-classiques telles qu'une méthode Thomas-Fermi dépendant du temps [69] seraient sans doute plus pertinentes et nettement moins coûteuses, mais plutôt à traiter des systèmes de taille similaire à ceux que nous avons abordés (jusqu'à une vingtaine d'atomes), en prenant en compte plus d'électrons dans le calcul ; nous pensons par exemple à l'explosion coulombienne de molécules. Il serait cependant très intéressant d'étudier par nos méthodes de dynamique non-Born-Oppenheimer une situation telle que le couplage observé expérimentalement entre résonance plasmon et émission d'électrons ou de monomères [70].
Du point de vue numérique, la méthode employée, qui consiste à représenter les fonctions d'onde sur une grille régulière en espace, pourrait être améliorée grâce à des méthodes de grilles irrégulières, plus rapprochées autour des noyaux par exemple, ce qui pourrait servir à se passer de pseudopotentiels, et à traiter correctement l'émission de particules grâce à des grilles pouvant aller à très longue distance.
En ce qui concerne la parallélisation, il serait sans doute intéressant de reprogrammer les codes en répartissant des fractions de fonction d'onde sur chaque processeur au lieu d'en attribuer une sur toute la grille à chaque processeur ; on pourrait alors faire usage des transformées de Fourier rapide disponibles dans les bibliothèques de programme et écrites pour ces cas. Pour de petits systèmes, on pourrait faire appel à un grand nombre de processeurs et obtenir ainsi rapidement des résultats.
Nous espérons avoir en tout cas démontré la flexibilité et la précision d'une simulation directe en temps de phénomènes quantiques sur réseau, et donné suffisamment de détails et de précisions sur les méthodes employées dans cette thèse pour susciter l'intérêt et faciliter le travail de personnes s'intéressant à la question dans le futur.