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Les agrégats métalliques

Par le mot << agrégat >>, qui a de nombreuses acceptions [1,2,3,4,5,6,7], nous entendons ici, au sens de la physico-chimie, un assemblage d'atomes ou de molécules identiques, au nombre compris entre deux et plusieurs centaines de milliers. Dans ce travail, nous étudierons en particulier les agrégats métalliques, où les électrons de valence de chaque atome sont délocalisés sur tout l'agrégat.

Cela fait plus d'un siècle que l'on s'intéresse à de tels systèmes, puisque l'explication par Rayleigh puis par Mie de la couleur de certaines verreries teintées se base sur les propriétés d'absorption de la lumière par de petites particules métalliques présentes dans le matériau (voir les références citées dans [2]). Cependant, jusqu'à une époque récente, les travaux sur les agrégats métalliques étaient toujours restreints à des particules ainsi inclues dans des matrices de verre. Certains expérimentateurs ont alors réussi à produire des agrégats libres, c'est à dire simplement portés par un gaz à travers une zone d'observation, ce qui a permis de s'abstraire des effets de la matrice de verre et de comprendre les propriétés d'agrégats isolés, d'une taille bien définie. Ce progrès s'est avéré essentiel pour la compréhension des propriétés des agrégats.

En effet, lorsque les sources expérimentales d'agrégats ont été suffisamment au point, Knight et ses collaborateurs ont remarqué que la structure électronique des agrégats métalliques influait sur leur stabilité : ils ont observé dans les spectres de masse une abondance relative plus grande d'agrégats au nombre d'électrons de valence dit "magique" (2,8,20, etc...), en parallélisme marqué avec des phénomènes similaires en physique nucléaire. Cette analogie a priori surprenante s'est révélée très féconde pour l'étude des agrégats métalliques.

Les spectres d'abondance en masse ne donnent cependant qu'une idée très grossière des phénomènes en jeu, bien que l'apparition de nombres magiques soit caractéristique de phénomènes quantiques. Il est bien plus instructif d'essayer de faire une étude spectroscopique des agrégats pour essayer d'en déduire leur forme et leurs propriétés. Dans le cas des agrégats à nombre magique d'électrons de valence, un assemblage d'atomes se rapprochant d'une sphère semble la plus vraisemblable, mais en dehors de ces tailles magiques le théorème de Jahn-Teller fait soupçonner l'existence de déformations importantes des agrégats.

Une autre motivation est aussi de suivre la transition entre des géométries d'agrégats dictées par des contingences quantiques, pour un nombre d'atomes constituant l'agrégat relativement petit, vers, pour un grand nombre d'atomes, des structures où l'on retrouve la maille cristalline du solide et où les nombres magiques ont une explication géométrique (polyèdres réguliers) plutôt que quantique. Les agrégats constituent donc un prototype réalisable expérimentalement d'un ensemble fini d'atomes en interaction. Ainsi, on peut suivre l'évolution des propriétés thermodynamiques des agrégats en fonction de leur taille, ce qui permet d'essayer de déterminer à partir de quel moment on peut parler de liquide, solide uniforme ou de transition de phase entre ces états [8]. Les mécanismes de dissociation des agrégats, eux aussi, passent d'un comportement proche de celui des molécules (explosion coulombienne) à ceux d'un plasma, pour les tailles élevées [9].

La spectroscopie à un ou deux photons des agrégats métalliques a permis, en conjonction avec des modèles simples d'assigner des formes vraisemblables à certains agrégats en fonction de leurs spectres de photoabsorption. Là encore les agrégats métalliques se sont avérés avoir des propriétés similaires à celles des noyaux atomiques puisqu'on a pu souvent observer des pics marqués dans le spectre de photoabsorption qui ont été rapprochées des résonances géantes de la physique nucléaire. Dans le domaine des agrégats métalliques, ces résonances portent cependant le nom de << plasmons >>, sur lesquels nous reviendrons page [*].

L'étape suivante est alors de déposer sur une surface ces agrégats libres, ce qui ouvre la voie à de nombreuses applications potentielles : par exemple, la compréhension des mécanismes de formation d'une image virtuelle en photographie ou la fabrication de matériaux à structure complètement contrôlée, pourrait être cruciale en chimie pour obtenir de meilleurs catalyseurs. Nous aborderons la question de ces agrégats déposés dans le chapitre III.


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Florent Calvayrac
1999-05-05